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Ces « prédateurs » qui volent nos rêves à l'île de Djerba

Article écrit par Kamel TMARZIZET


Toutes les régions géographiques de notre République méritent de voir leur environnement paysager, leurs vieux centres historiques (souks et médina) , leurs lieux de culte (mosquées et mausolées), leurs arbres et leurs sites naturels et archéologiques même modestes, protégés des transformations ou des destructions si souvent irréversibles.

Les amoureux de l'île de Djerba ainsi que ses habitants n'ont qu'un souhait : préserver les sites naturels magiques pour épargner le dernier poumon...Djerba ne pourra pas « survivre » à un littoral à l'espagnole ni à des bâtisses à la sicilo-napolitaine...

Force est de constater qu'à Jerba le respect de la nature et la préservation du patrimoine historique et culturel ne dépassant pas le stade des discours. Il en résulte que les sites naturels et le patrimoine commun de la nation restent la proie de tout un chacun !

A quoi sert de cacher la triste réalité lorsqu'on est en présence de dommages de l'île et à l'environnement ? L'île, qui vit une véritable tragédie, en porte déjà les stigmates (matérialisés par des actes illicites) qui ont d'ores et déjà gangrené moult sites.

Jusqu'à aujourd'hui des élus locaux, insouciants des périls écologiques et de la protection du patrimoine commun, ont abandonné plusieurs sites naturels et historiques. Aube après aube, ils sont dévalorisés et gaspillés obstinément comme un vil produit.

Malgré toutes les démarches de nos associations en vue de faire coexister harmonieusement, dans un juste équilibre, tourisme et écologie, Djerba est tout autant dénaturée au plus profond d'elle-même, que métamorphosée en une espèce de porte-avions de ciment. En dépit de tous les efforts déployés pour préserver le patrimoine naturel et historique, le littoral et la plupart de sites naturels merveilleux ont été transformés par des spéculateurs, en terrains d'activités désinhibés davantage pour le pire que pour le meilleur.

Vu l'ampleur des phénomènes néfastes et pervers qui sont devenus la lèpre de la nature et du littoral de l'île de Djerba, l'association de la sauvegarde de Djerba et le syndicat d'initiative de Midoun ont organisé en commun, dans le cadre du développement durable , une journée d'étude et d'information sur la problématique de l'écologie à Djerba.

La réunion du mois de décembre 2006, a rassemblé des responsables des autorités locales, des élus municipaux et un bon nombre de représentants des collectivités et des associations régionales.

Après les discours d'ouverture et d'accueil, le président de la séance a donné la parole aux intervenants. Soucieux de la dégradation de l'île et de sa végétation , tel l'arbre béni, l'olivier ou l'arbre roi, le palmier , les participants ont évoqué, d'une part , les graves incidences de toutes les activités fébriles et préjudiciables sur la faune et la flore de l'île, aboutissant à l'érosion des ressources et du matériel génétique disponible pour les générations actuelles et futures, et d'autre part l'évolution des phénomènes qui perturbent le transit sédimentaire côtier provoquant, depuis l'allongement de la jetée du port d'Aghir, une dénaturation des zones touristiques.

Lors du débat, les discussions ont porté notamment sur deux thèmes :

-Le concept d'espace partagé vise à concilier l'aménagement avec la protection de l'île, sa nature et sa végétation. Cependant, la thématique de la préservation de l'arbre roi et du palmier l'emblème de l'île, a suscité tout autant un intérêt tout particulier que des vives protestations. En effet, des témoins oculaires ont relaté des faits mettant en exergue la triste réalité de la campagne. D'autant qu'encore aujourd'hui, des milliers de palmiers sont victimes de gestes gratuits, d'un vandalisme et d'une barbarie intolérables. C'est dire combien il est déplorable de voir que la destruction du symbole mythique de l'île le palmier, est devenue le sport quotidien de pyromanes, de personnes névrosées et de bergers bédouins. Trop nombreux, ces derniers ont lâché sur l'île aussi bien leurs troupeaux de chèvres, ces sauterelles à quatre pattes, que leurs chevaux qui, attachés aux géants palmiers, grignotent, en leur milieu ces arbres jusqu'à leur effondrement !

Autant dire que le malheur de Djerba où les découvertes macabres ne cessent de s'accumuler, est le corollaire de l'insensibilité à la beauté naturelle. Animés souvent par des sentiments cruels et impitoyables à l'égard de la nature, ces individus, sans tendresse, sans émotion devant les beautés naturelles, ressentent difficilement le sens de cette pensée, qui consiste à dire que « les beautés de la nature se produisent , elles ne se reproduisent pas » !

Ainsi va la vie à Djerba, la vache à traire, l'île où le bonheur n'est plus, il était !

Des réflexions ont été menées sur l'état actuel des zones touristiques, enlaidies par les actions anthropiques et par une urbanisation sauvage caractérisée par des constructions anarchiques et laides. Deux phénomènes qui ont contribué à l'anéantissement de plusieurs plages...



Comment protéger le cordon littoral

Parmi les solutions apportées pour y remédier, le président du syndicat d'initiative nous a éclairé sur l'intérêt de l'expérience tentée à Aghir.

L'opération consistait à placer des épis perpendiculairement dans la mer, pour permettre au cordon littoral sableux de continuer son évolution, de sorte que le sable soit drainé et fixé sur la plage. Néanmoins, cette technique bien réussie ailleurs, sur une île bretonne entre autres, a plus au moins avorté à Djerba, à cause de l'éclatement de l'un des épis et en raison de l'absence d'un véritable suivi ! Cet échec semble résulter tout autant du manque d'entretien dû à la négligence des techniciens de l'entreprise responsable des travaux, qu'au laxisme des organismes officiels chargés du contrôle de la réalisation de cette opération, pourtant assez onéreuse.

Avortement ou échec, tous ces facteurs sont liés et tiennent à l'absence dans ce projet de références aux études scientifiques approfondies accomplies par des spécialistes en la matière, comme le professeur Paskoff ou le géographe Massaoud Yamoun...

A Djerba, il n'est pas rare d'observer que dès qu'un des graves problèmes environnementaux ou autres, est soulevé, les vrais responsables disparaissent dans un écran de fumée !

L'après-midi fut consacré, en partie à la visite des deux sites suivants : la fameuse et ancienne palmeraie d'Ajim et la zone touristique d'Aghir.

A Aghir, tout le monde a pu, comme nous l'avons souligné plus haut, constater le maigre résultat de cette technique des épis, qui a fait ses preuves ailleurs et qui n'a pas réussi, à stabiliser sur notre île, de manière significative la migration de sable en direction de la terre.

A Ajim, la surprise fut d'autant plus inattendue que tous les invités visiteurs à leur arrivée furent stupéfaits par l'horrible massacre de la palmeraie perpétré par des téméraires qui ont fait sans entrave , ce que la raison ne veut pas !

Les coupables de ce forfait semblent avoir été informés, bien avant notre passage, des intentions de l'Association qui, pour assurer à l'île sa protection, a toujours placé le développement durable au cœur de son action.

Du fait que les services techniques de la municipalité d'Ajim, ont accepté d'accorder un permis de construire, et de mettre par là-même, la réglementation administrative au service de l'appétit de privilégiés, ceux-ci se sont attaqués sauvagement à un patrimoine naturel et à une richesse biologique exceptionnels. Ainsi, se voyant renforcés dans leur sentiment d'impunité, ces financiers spéculateurs ont, en une mesure de temps très courte, de surcroît au vu et au su de tout le monde, mutilé et phagocyté un site unique, jadis respecté et jalousement préservé par nos aïeux.

Aucunement soucieux du respect de la nature et de la protection du patrimoine, termes qui sont pour ces individus, d'une extrême volatilité, ces aventuriers téméraires ont, en toute quiétude réalisé leurs extravagantes frasques ; cette horripilante action, faite avec éclat , de façon erratique et insidieuse, a profondément choqué plus d'un sentiment. C'est en effet, cet effroyable massacre des arbres géants, des palmiers sauvagement arrachés puis juchés et alignés comme des cadavres attendant leur incinération, qui a provoqué les vices réactions des visiteurs, comme le témoigne leur déclaration.

Parmi les personnalités présentes, se trouvait entre autres M. Abd-El-Kader El Bouandi qui, horrifié par le terrible spectacle, a exprimé son dégoût en ces termes : « ces inepties sont une aggravation à une situation qui constitue l'horreur et la limite ! »

Ce constat est le corollaire des méthodes sournoises de certains usurpateurs qui ont réussi à spéculer et à faire de cette île, un véritable supermarché où spoliateurs et maraudeurs peuvent à leur aise, tout prendre, tout consommer... Puisque aucune volonté d'homme n'est venue l'épargner du gaspillage, Djerba s'effrite et souffre d'autant plus de cette tragédie que l'île nous donne pour l'heure l'image d'une boutique de porcelaine traversée par un éléphant !

Plus pernicieux et tout aussi grave que la destruction par le bulldozer des beaux lieux et la dégradation des sites naturels, qui auraient dû évoluer vers des réserves, est l'embarrassant nihilisme de certains responsables des municipalités et de leurs égéries. Et il n'est pas superfétatoire de souligner que pour le moment, la plu part de ceux-ci, sont animés par le vil goût de lucre et par voie de conséquence par la même passion que les groupes d'intérêt, rejetant simultanément beauté et raison...

Il s'agit d'un défi immense. D'autant que si tout le monde agissait comme ces groupes « un lobby très difficile à conjurer », il faudrait cinq îles pour assouvir les besoins de tous les nouveaux venus à Djerba ; cette terre d'accueil, qui, actuellement, constitue pour quelques privilégiés et des touristocrates favorisés, une arche de Noé, alors que tout autour c'est le déluge.



Tourisme de masse

Personne ne souhaite que le tourisme de masse dévoreur de l'espace, se développe à Djerba à l'instar des îles Baléares. Tout le monde se rebiffe d'autant plus contre ce lobby sans précédent à Djerba, que l'île aurait eu l'opportunité d'être inscrite par l'UNESCO sur la liste du Patrimoine Mondial si des responsables politiques locaux n'avaient pas mis sciemment des obstacles afin d'entraver les démarches ( ?).

A la suite de ce malheureux échec, l'île est devenue une manne réservée à quelques groupes d'intérêts. C'est ainsi qu'elle est tombée dans l'escarcelle des groupes de pression menaçant, qui font des dégâts et bloquent les choses par intérêts corporatistes et financiers.

Aussi doit-on cesser d'être indulgents avec les usurpateurs et tous ceux qui passent outre les règles établies. Certes, l'argent est important, mais l'argent ne doit pas être le moteur du développement du tourisme, d'autant que dans le cadre du développement durable, les motivations doivent être conjuguées et en même temps écologiques et artistiques que financières.

Toutefois, le souhait de tous les habitants est de réussir à préserver tous les sites naturels magiques pour épargner le dernier poumon de l'île et amorcer réellement le processus de sauvegarde de toutes les valeurs de l'île-jardin, afin que Djerba ne connaisse ni un littoral à l'espagnole ni des permis de bâtir à la sicilo-napolitaine.

Et pour cela, il faut arrêter d'être benêt et agir contre le péril et ses signes précurseurs : le pouvoir d'une « oligarchie prédatrice », gaspilleuse et âpre au gain, qui n'agite le slogan « du développement durable », que pour mieux perpétuer son hégémonie.

Aussi dit-on, réagir contre toutes les infractions, qui sont devenues le sport quotidien à Djerba où les attaques contre la culture et les agressions contre la nature, où les actions illicites ont franchi depuis longtemps et sans pudeur, le seuil au-delà duquel est né un désastre , qui a d'ores et déjà tué le mythe de l'île de rêves ?

Tel est le sort lugubre de Djerba, la poule aux œufs d'or, dont le destin est lié incontestablement à la volonté et aux agissements des hommes responsables d'aujourd'hui. Il va sans dire que l'espoir de sauver l'île de Djerba, qui baigne dans la légende des Lotophages, est aussi lié à la volonté de tous les hommes épris de démocratie et de liberté.

Ainsi, pragmatisme et sagesse, sont les facteurs décisifs pour que l'île orpheline livrée à l'usure, redevienne une terre de tourisme à dimension humaine réconciliée avec son environnement, un environnement propre et préservé au milieu d'une nature saine. Pour cela, et afin que notre île-jardin retrouve sa beauté magique, tranquille et unique, il nous faut apprendre à traiter la Nature, comme le font les abeilles qui, pour se nourrir du nectar , butinent les fleurs sans les abîmer !

Kamel TMARZIZET

Commentaires

Anonyme a dit…
Habituellement lorsqu'on parle du Caire, c'est aux 1000 minarets, de cette ville, que nous pensons!
La tradition attribue à l'Ile des Lotophages, plus de 360 mosquées à savoir autant de monuments que de jours dans l'année!!!
je crois savoir qu'il y a un travail de terrain riche en données repertoriant 254 monuments et edifices... thèse de Mr Ryadh EL MRABET qui constitue avant tout "UNE SAUVEGARDE DE LA MEMOIRE DE L'ILE DE DJERBA" -
Ce travail a été apprecié par les membres de l'Association JERBA
MEMOIRE ( de plus amples renseignements te seront communiqués sous peu).
Anonyme a dit…
merci pour votre email courageux.
Je suis francais, je connais bien Jerba, tres bien meme..J avais l habitude d aller au Jerba Menzel qui etait le plus bel hotel, le plus charmant et le plus caracteristique hotel de tunisie...un joyau d architecture dans un cadre naturel protégé.
Malheureusement le goupe mafieu Mehlia a mis la main dessus et a tout detruit .
Il est temps que les tunisiens se rebellent car le massacre ecologique de l ile et du reste de la tunisie va faire ecrouler le tourisme..Deja en Europe quand on parle de Jerba, le gens disent que c est laid, dégradé..
Alors s il vous plait Mr Ben Ali, detruisez ces immeubles horribles, ces casinos, ces golfs et laissez Jerba tranquille..c est un Joyau..vous ne vous rendez pas compte..! IL faut reagir !

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